PASTEUR2030

Entretien avec les porteurs de l’axe prioritaire 1 « Menaces infectieuses »

En amont du Town Hall qui aura lieu le 30 juin prochain, la direction générale et la direction de la communication et des affaires publiques vous proposent de partir à la rencontre des chercheuses et chercheurs responsables des priorités scientifiques du plan stratégique afin d’en savoir plus sur leur rôle, les enjeux de leur priorité, les principaux projets mais aussi les temps forts à venir.
 


Entretien avec les porteurs de la priorité scientifique 1 « Menaces infectieuses »
Aude Bernheim, responsable de l’unité Diversité moléculaire des microbes
et Olivier Schwartz, responsable de l'unité Virus et immunité.


Pouvez-vous nous présenter la priorité scientifique qui vous a été confiée au sein du plan stratégique Pasteur 2030 ?

La persistance de la menace de nouvelles maladies émergentes, notre vulnérabilité aux maladies infectieuses et l’augmentation exponentielle de la résistance aux agents antimicrobiens représentent des défis sociétaux majeurs. Dans ce contexte multiple, notre objectif est d’identifier, de comprendre et de surveiller les pathogènes responsables de ces maladies, tout en contribuant au développement de traitements et de vaccins innovants susceptibles de les enrayer.

Un des atouts majeurs sur lequel la priorité 1 peut s’appuyer sans limite réside dans l’expertise clé de l’Institut Pasteur, depuis 140 ans, dans le domaine des menaces infectieuses. En effet, l’Institut a investi et développe depuis des décennies l’étude de pathogènes très divers (virus, bactéries, parasites ou champignons) et de leurs interactions avec l’hôte. L’axe stratégique que nous coordonnons fait ainsi le lien avec des thèmes, des projets, des recherches qui ont cours à l’Institut Pasteur depuis sa création et jusqu’aux différents plans stratégiques qui ont précédé « Pasteur 2030 ». Nous pouvons citer l’antibiorésistance en exemple, parmi de nombreux autres. Il est important pour nous de ne pas perturber ce travail de recherche qui fonctionne très bien depuis longtemps, mais au contraire de le faciliter, de continuer à l’accompagner et de le valoriser. On peut estimer qu’au moins 80% des activités de recherche du campus sont en lien avec l’axe « Menaces infectieuses ».

Parallèlement à la valorisation de cette richesse existante, un autre enjeu de cette priorité est de stimuler la créativité scientifique pour découvrir tout un pan du monde microbien encore inconnu pour mieux le comprendre et utiliser ses ressources. L’image microbienne a largement évolué depuis Louis Pasteur. Nous savons aujourd’hui que les microbes sont constitutifs du vivant et qu’ils recèlent un potentiel insoupçonné pour notre santé (rôle du microbiote, fonction thérapeutique des microbes, etc.). On sait aujourd’hui que la plus grande majorité du monde vivant n'est pas encore caractérisée et étudiée sur la planète, le monde microbien en fait partie. Il y a donc une source majeure de découvertes et d’études à effectuer au cœur de ce monde invisible que l’on ne connaît pas encore. 
 

Comment l’Institut Pasteur se démarque-t-il d'autres institutions pour aborder des questions de santé liées à la diversité du monde microbien ?

Depuis sa création et jusqu’à aujourd’hui, l’Institut Pasteur est une référence internationalement reconnue de la recherche en microbiologie et sur les maladies infectieuses. En France comme à l’international, les chercheuses et les chercheurs voient ce campus comme le berceau et l’un des principaux lieux d’activité, de découverte et de recherche scientifique sur ces sujets. C’est palpable au regard des publications et lors des colloques scientifiques, notamment.

Fort de sa longue expérience dans le domaine des maladies infectieuses, l'Institut Pasteur possède une réputation internationale solide et incontournable. Il combine des connaissances en microbiologie, virologie, immunologie, évolution, parasitologie, génétique, génomique et épidémiologie pour obtenir une image globale et plus précise des maladies infectieuses.

Notre approche se distingue par son approche fondamentale : contribuer à cartographier l’infinité du monde microbiologique, comprendre ses mécanismes profonds, déduire leurs impacts sur les maladies et la santé humaine. Parce que nous combinons des expertises extrêmement diverses dans le champ de la microbiologie, nous pouvons aussi croiser les regards sur les microbes pour approfondir et affiner notre compréhension de ces derniers. 

Face aux nouvelles menaces, l'Institut a pour objectif de toujours s'adapter et de rester innovant et réactif tout en utilisant son expertise historique et l’excellence de ses chercheuses et chercheurs. 


► Comment se structure votre travail ?

Pour conduire les travaux de la priorité scientifique 1, nous avons l’ambition de présenter les découvertes scientifiques de manière enthousiaste et positive auprès du campus et du grand public.

Notre idée, en addition des études en cours sur les maladies infectieuses et la résistance aux antimicrobiens, pourrait être intitulée “Vive les microbes”. On peut ainsi présenter les microbes comme des solutions potentielles aux menaces infectieuses. En comprenant toute la diversité du vivant (bactéries, virus, champignons, etc.), nous pouvons trouver des solutions pour répondre à ces menaces comme les antibiotiques et les antiviraux de demain… Par ailleurs, l’Institut Pasteur dispose de grandes collections microbiennes qui vont pouvoir être explorées grâce aux nouvelles techniques. Un monde infini demande à être découvert. C’est très enthousiasmant!

Une façon de découvrir ce nouveau monde, nécessite de développer des technologies novatrices qui conduisent, notamment, à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA). L'idée est de développer de nouvelles méthodes de travail rendues possibles par ces technologies émergentes, que ce soit par l'analyse des données produites sur le campus ou par l'intégration de nouvelles approches au sein des laboratoires. Pour y parvenir, nous devons être innovants et concevoir de nouveaux formats de collaborations interdisciplinaires impliquant des mathématiciens, des chercheurs et ingénieurs spécialisés en intelligence artificielle, intéressés par la santé humaine. Nous souhaitons collaborer étroitement avec les initiatives déjà en place sur le campus afin d'explorer les potentialités de ces technologies dans la recherche sur les maladies infectieuses. 

Le dernier enjeu de l’axe stratégique que nous souhaitons promouvoir est l’animation scientifique à destination du grand public et du campus autour des aspects négatifs, mais aussi positifs et moins connus des microbes. Notre objectif est de créer du lien avec les citoyens et les citoyennes à travers différents événements mêlant science, art et société comme des conférences, des expositions, des projets artistiques et scientifiques, des programmes de science participative, etc. Nous avons d’ailleurs pu participer au rendez-vous récent de la Nuit Blanche sur le campus et être directement témoins de l’enthousiasme des visiteurs et de leur insatiable curiosité. Nous participons aussi tous les deux au comité de médiation qui préfigure le futur musée de l’'Institut Pasteur, où les microbes auront toute la place qu’ils méritent !

Pour résumer, le mot clé de notre axe est la “créativité" !

Par ailleurs, nous démarrons la constitution d’un comité de pilotage pour superviser l’orientation opérationnelle et financière de la priorité 1.

Et pour nous inscrire dans l’ouverture et la créativité, nous avons également lancé un appel à participation auprès de tous les responsables d’unité et de groupe de l’Institut Pasteur, pour leur permettre d’apporter leurs idées, leurs expertises autour des différents projets de cette priorité. Les jeunes scientifiques peuvent aussi s’associer à cette priorité et proposer des projets que l’on pourra soutenir. Les critères de sélections porteront sur l’originalité, la transdisciplinarité et la multi-technicité du projet.
 

► Participerez-vous à des projets transversaux ? Si oui, lesquels ?

Au sein du campus, nous avons et aurons de nombreux liens avec les autres axes du plan stratégique Pasteur 2030, et bien sûr avec les directeurs de département. Aude participe au comité de pilotage de la priorité 3 « Origines des maladies » et nous échangeons régulièrement avec les porteurs de la priorité 2 « Transitions environnementales et santé ». En particulier, nous travaillons étroitement avec l’équipe projet du futur centre dédié aux infections émergentes et en particulier les maladies à transmission vectorielle car il s’agit d’un projet phare qui doit positionner l’Institut Pasteur en tant qu’acteur majeur de la recherche dans le domaine.

L’association à un projet de cette envergure et qui verra le jour au cours de Pasteur 2030 est très enthousiasmant! Nos liens avec le Centre de Vaccinologie et Immunologie sont également logiques et seront renforcés.

Au sein de la priorité que nous coordonnons, nous interagissons en outre avec Paola Arimondo et Philippe Glaser, les porteurs du précédent axe stratégique « Résistance aux anti-microbiens » afin de poursuivre le travail réalisé. 

Nous conduisons également des projets collaboratifs avec des acteurs extérieurs au campus. Pour citer un exemple de collaboration nationale, l’Institut Pasteur établit un rapprochement essentiel avec l’Institut Curie et l’Institut Imagine, avec qui nous sommes complémentaires scientifiquement. Entre l’expertise historique de l’Institut Pasteur sur l’infectieux, celle d’Imagine dans la génétique humaine et les compétences de l’Institut Curie dans la compréhension et le traitement des cancers, nous sommes en capacité d’être multi-échelle.

Dans le registre européen, un partenariat a été élaboré avec le Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL), qui permet à l’Institut Pasteur de disposer d’une expertise technologique large et pointue dans la recherche sur les maladies infectieuses.

On peut aussi citer les liens avec UCSF à San Francisco, avec des programmes d’échanges scientifiques, de séjours sabbaticaux, des projets communs, la création prochaine d’une unité internationale (Pasteur International Unit) Pasteur-UCSF autour des pathologies infectieuses
 

► Quel est votre objectif en tant que responsable de priorité scientifique d’ici 2030 ? Quel résultat comptez-vous atteindre ?

Notre objectif est d’accompagner et de renforcer s’il est possible l’effervescence et l’émulation scientifiques sur le campus, et que ce dernier “s’amuse” scientifiquement et explore de nouveaux domaines. Dans ces périodes troublées, nous souhaitons véhiculer un message positif. 

Nous aurons réussi notre mission en 2030 si de nouveaux projets scientifiques auront émergé autour de cette priorité, et si des découvertes fondamentales avec des applications pour la santé humaine auront été faites. On espère aussi que nos connaissances rayonnent à travers l’art, la culture et facilitent le partage et le dialogue avec le public. 

 

Imprimer