06 janvier 2017
Bulletin interne de l'Institut Pasteur
• Le mécanisme d’un candidat vaccin anti-sida filmé in vivo
Grâce à une technologie innovante, des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm sont parvenus à filmer in vivo le déclenchement de la réponse immunitaire par un candidat vaccin anti-sida développé par l’Institut de Recherche Vaccinale et l’ANRS. Ces images inédites montrent l’action précise du vaccin quant au recrutement des cellules immunitaires nécessaires à la destruction des cellules infectées. En permettant de mieux comprendre le mode d’action du vaccin, ces résultats, publiés dans la revue Nature Medicine valident son potentiel.
• Sida : des anticorps capables d’éliminer les cellules infectées
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et du Vaccine Research Institute (ANRS/Inserm) viennent de montrer que certains anticorps très performants peuvent reconnaître les cellules infectées par le virus du sida (VIH) et entraîner leur destruction par le système immunitaire. Cette découverte permet de mieux comprendre le mécanisme d’action de ces anticorps particuliers qui sont en cours d’essai clinique. Ces résultats ont été publiés dans Nature Communications le 3 mars dernier.
• VIH : Identification de récepteurs clés de la réponse immunitaire chez les patients contrôlant spontanément l'infection
Un petit nombre de patients infectés par le VIH contrôlent spontanément la multiplication du virus en absence de thérapie antirétrovirale, et ne développent pas la maladie. Ces rares patients, nommés "HIV Controllers", semblent supprimer la réplication du VIH par une réponse immunitaire très efficace. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont observé chez ces patients, rassemblés au sein de la cohorte ANRS CO21 CODEX, que leurs cellules immunitaires T CD4+ ont la capacité de reconnaître des quantités minimes de virus. Cette détection particulièrement sensible dépend de l'expression de récepteurs T spécifiques situés à la surface des cellules immunitaires, ciblant avec une haute affinité la protéine de capside du VIH. L'expression préférentielle de ces récepteurs pourrait permettre le maintien du système immunitaire en état d'alerte constant, et contribuer ainsi au contrôle du VIH. Ces résultats sont publiés dans The Journal of Clinical Investigation.
• Tuberculose : découverte d’une étape critique de l’évolution du bacille vers la pathogénicité
C’est la disparition d’un glycolipide de l’enveloppe bactérienne, au cours de l’évolution, qui aurait considérablement augmenté la virulence des bacilles de la tuberculose chez l’Homme. Des chercheurs du CNRS, de l’Institut Pasteur et de l’université Toulouse III - Paul Sabatier ont montré que cette disparition a entrainé une modification des propriétés de surface de Mycobacterium tuberculosis, favorisant son agrégation en « corde », et augmentant sa pathogénicité. Ces résultats, qui permettent de mieux connaitre les mécanismes liés à l’évolution et à l’émergence des bacilles de la tuberculose, sont une avancée majeure dans la compréhension de cette maladie. Ils sont publiés dans la revue Nature Microbiology le 27 janvier 2016.
• Listeria : des souches hypervirulentes à tropisme cérébral et placentaire
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du CNRS et de l’université Paris Descartes - Sorbonne Paris Cité viennent de publier dans Nature Genetics une vaste étude menée sur près de 7000 souches de Listeria monocytogenes, bactérie responsable de la listériose humaine, une infection grave d’origine alimentaire. Par une analyse intégrative de données épidémiologiques, cliniques et microbiologiques, les chercheurs ont mis en évidence la grande diversité du pouvoir pathogène de cette espèce bactérienne. Ce travail a également permis de découvrir, par une analyse génomique comparative, de nouveaux facteurs de virulence dont l’implication dans les formes cérébrales et fœto-placentaires de listériose a été démontrée expérimentalement. Il suggère en outre l’importance d’utiliser de nouvelles souches de référence, représentatives des lignées hypervirulentes identifiées ici, pour les études expérimentales du pouvoir pathogène de Listeria monocytogenes.
• Tuberculose : un candidat vaccin prometteur
Des scientifiques de l’Institut Pasteur, en collaboration avec une équipe italienne, publient dans la revue PLOS Pathogens une étude décryptant les mécanismes d’action d’un vaccin expérimental contre la tuberculose aux résultats prometteurs. En usage depuis près d’un siècle, le BCG est à l’heure actuelle le seul vaccin approuvé, mais son efficacité demeure limitée, et sa protection s’atténue avec le temps. Dans le contexte actuel d’émergence de cas de tuberculose chez les adultes en lien avec l’épidémie de VIH et de la multi-résistance accrue des souches bactériennes, l’élaboration d’un nouveau vaccin, plus efficace, constitue donc une priorité de santé publique mondiale. Cette étude s’inscrit dans le cadre du consortium européen TBVAC2020.
• Paludisme : une nouvelle voie d’accès au cœur du parasite
Des chercheurs viennent d’identifier un talon d’Achille du parasite responsable du paludisme, en montrant que son développement optimal dépend de sa capacité à dérober des molécules d’ARN aux cellules infectées - une interaction hôte-pathogène encore jamais observée. Si la fonction exacte de ce détournement reste mystérieuse, les résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour acheminer des agents thérapeutiques de manière spécifique au cœur du parasite. Cette étude, menée par le laboratoire du CNRS Architecture et réactivité de l’ARN (Strasbourg), en collaboration avec l’unité d’Infection et immunité paludéennes de l’Institut Pasteur (Paris), est publiée cette semaine dans la revue PNAS.
Les parasites unicellulaires du genre Plasmodium sont les agents infectieux responsables du paludisme et constituent l’une des menaces principales pour la santé humaine et le développement dans les pays du Sud. Son cycle de vie se déroule pour partie chez le moustique Anopheles (tube digestif, glandes salivaires), et pour l’autre partie chez l’Homme ou d’autres mammmifères (foie, cellules sanguines).
• Paludisme : une réponse immunitaire efficace et durable grâce à un parasite muté
A l’heure où près de 3,2 milliards de personnes sont encore exposées au risque de contracter le paludisme, des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm ont mis au point expérimentalement un vaccin vivant génétiquement atténué contre Plasmodium, le parasite responsable de la maladie. Pour cela, ils sont parvenus à identifier et éteindre un gène du parasite, le rendant ainsi capable d’induire chez un modèle murin une réponse immunitaire efficace et durable.
Ces résultats sont publiés dans Journal of Experimental Medicine, le 18 juillet 2016.
Le paludisme demeure la maladie parasitaire la plus menaçante pour la population mondiale, malgré les moyens de lutte et de prévention mis en place depuis plus de quinze ans, notamment pour cibler les moustiques vecteurs. En 2015, il a été enregistré environ 214 millions de cas et 438 000 décès dus au paludisme, essentiellement des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes. Un vaccin efficace serait l’outil nécessaire pour lutter contre la maladie. Les difficultés que rencontre la mise au point d’un vaccin antipaludique tiennent à la complexité de la biologie du parasite Plasmodium et aux multiples stratégies que le parasite a développées au cours de l’évolution pour déjouer la réponse immunitaire de son hôte. Chez les malades, l’infection par le parasite est caractérisée notamment par l’absence de réponse immunitaire protectrice, alors qu’une prémunition ne s’acquiert qu’après des années d’exposition. L’infection entraîne notamment une abolition de la mémoire immunologique.
• Paludisme - La première cartographie mondiale de la résistance à l’artémisinine apporte la confirmation définitive que celle-ci est confinée en Asie du Sud-Est et n’a pas atteint l’Afrique subsaharienne
La première cartographie mondiale de la résistance à l’artémisinine (étude KARMA) a formellement confirmé que la résistance au principal médicament utilisé actuellement pour traiter le paludisme à Plasmodium falciparum est pour le moment confinée en Asie du Sud-Est et n’a pas atteint l’Afrique subsaharienne. Réalisée par des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris et de l’Institut Pasteur du Cambodge, KARMA rassemble un large consortium d’institutions, dont 13 membres du Réseau international des Instituts Pasteur. Les résultats ont été publiés le 22 juin dans le New England Journal of Medicine.
Depuis 2008, l’émergence au Cambodge de souches de Plasmodium falciparum résistantes aux dérivés de l’artémisinine, dernière génération de médicaments antipaludéens, compromet gravement l’effort mondial de lutte contre le paludisme.
Ces deux dernières années, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont dirigé un consortium international nommé KARMA (K13 Artemisinin Resistance Multicenter Assessment Consortium - Consortium pour l’évaluation multicentrique de la résistance à l’artémisinine K13), soutenu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et conduit avec 41 partenaires, dont 13 du Réseau international des Instituts Pasteur. L’étude KARMA s’appuie sur une découverte effectuée en 2014 par des scientifiques de l’unité d’Épidémiologie moléculaire du paludisme de l’Institut Pasteur du Cambodge et du département des Parasites et insectes vecteurs de l’Institut Pasteur à Paris : l’identification du gène K13 comme déterminant majeur de la résistance de P. falciparum à l’artémisinine.
• Découverte d’un nouveau mécanisme biologique de la dépression
Des équipes de l’université Paris Descartes, sous la co-direction des Professeurs Raphaël Gaillard (centre hospitalier Sainte-Anne, Institut Pasteur) et du Professeur Olivier Hermine (hôpital Necker, centre national de référence des mastocytoses, Institut Imagine) ont mis à jour un mécanisme inflammatoire de la dépression via l’étude d’une maladie rare : la mastocytose. Une étude publiée en 2016 par le Dr Georgin-Lavialle dans la revue Molecular Psychiatry, première revue internationale en psychiatrie.
• Maladie d’Alzheimer : le récepteur nicotinique comme nouvelle cible thérapeutique
Plusieurs études scientifiques soupçonnent la nicotine d’avoir des effets bénéfiques sur la mémoire. Afin d’élucider les propriétés prêtées à cette substance, par ailleurs néfaste pour la santé, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS sont parvenus à déterminer la structure précise des récepteurs nicotiniques situés dans le cerveau, au niveau de l’hippocampe. Grâce à des modèles murins de la maladie d’Alzheimer, ils ont identifié la sous-unité β2 du récepteur nicotinique comme étant la cible à bloquer afin d’empêcher le déficit de mémoire caractéristique de la maladie d’Alzheimer. Ces résultats sont parus dans Neurobiology of Aging, le 12 août dernier.
La maladie d’Alzheimer se caractérise par deux types de lésions : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Le peptide bêta amyloïde, naturellement présent dans le cerveau, s’accumule au cours des années sous l’influence de facteurs génétiques et environnementaux, jusqu’à former des plaques amyloïdes. Cette accumulation est toxique pour les cellules nerveuses et provoque une désorganisation de la structure des neurones, ainsi qu’une dégénérescence dite "neurofibrillaire" qui entrainera à son tour la mort des cellules nerveuses.
• Diagnostic de la maladie d’Alzheimer : des anticorps de lama détectent les lésions cérébrales
Face à la maladie d’Alzheimer, le défi majeur auquel sont confrontés les médecins est de pouvoir détecter au plus tôt les marqueurs de la maladie. Or, situés au sein même du cerveau, ils sont difficilement accessibles pour le diagnostic. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du CNRS, du CEA, des universités Pierre et Marie Curie et Paris Descartes et de Roche ont réussi à atteindre de manière non invasive les cellules du cerveau dans un modèle murin de la maladie, grâce à deux types d’anticorps obtenus chez des lamas et capables de franchir la barrière hémato-encéphalique. Ceux-ci peuvent alors marquer spécifiquement les plaques amyloïdes et les enchevêtrements neurofibrillaires et rendre visibles ces deux types de lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Ces résultats ont été publiés dans Journal of Controlled Release, le 7 octobre 2016.
• Les gènes néandertaliens à l’origine de la stimulation immunitaire et des allergies des Hommes modernes
Lorsque les Hommes modernes et les Hommes de Néandertal se sont rencontrés et croisés en Europe il y a plusieurs millénaires, leur mélange a introduit des variations génétiques qui ont renforcé la capacité de leurs porteurs à se prémunir contre les infections. Mais cet héritage néandertalien en a peut-être également prédisposé certains aux allergies.
Les découvertes relatées dans deux études indépendantes de l’American Journal of Human Genetics le 7 janvier dernier viennent confirmer le rôle majeur des relations inter-espèces dans l’évolution humaine et notamment dans celle du système immunitaire inné, qui sert de première ligne de défense du corps contre les infections.
• Africains et Européens ont des systèmes immunitaires génétiquement différents... et l’Homme de Néandertal y est pour quelque chose
Très actif chez certains, le système immunitaire peut chez d’autres manquer d’efficacité, ce qui a des conséquences importantes sur le niveau de protection de notre organisme contre les pathogènes. A quoi cela est-il dû ? Savoir ce qui détermine la façon dont nous répondons aux infections virales et bactériennes est aujourd’hui un enjeu majeur pour mieux comprendre la prédisposition à certaines maladies et pour préparer la médecine personnalisée de demain. Dans une vaste étude publiée cette semaine dans la prestigieuse revue Cell, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS décodent la réponse immunitaire de 200 individus africains et européens. Leurs travaux démontrent qu’il existe bel et bien une différence dans la manière dont ces populations répondent aux infections, que cela est, en grande partie, sous contrôle génétique, et que la sélection naturelle a également participé à modeler nos profils immunitaires. Ils apportent en outre la preuve que l’héritage que les Européens tiennent de l’Homme de Néandertal a en particulier influencé leur aptitude à se protéger des virus.
• Article sur l'Institut Pasteur paru dans le Monde "Pasteur, les habits neufs de la recherche"
Retrouvez l'article sur l'Institut Pasteur paru dans le numéro du Monde du 11 février dernier : "Pasteur, les habits neufs de la recherche".