18 janvier 2018
Bulletin interne de l'Institut Pasteur
C’est aussi à vous que l’Institut Pasteur doit aujourd’hui d’être ce qu’il est, et où il est !
Le 12 juin 1975, Simone Veil, alors ministre de la Santé et de la Famille, reçoit Jacques Monod, directeur général de l’Institut Pasteur et Jean Royer, président de son conseil d’administration, pour leur annoncer que l’État va porter de 20 à 50,5 millions de francs la subvention dont bénéficie l’Institut Pasteur. Cet apport financier, considérable pour l’époque, était réellement indispensable et urgent pour permettre à l’Institut Pasteur de dépasser la grave crise financière dans laquelle il se débattait depuis plusieurs années.
Cette décision intervient en effet alors que la situation de l’Institut est gravement altérée depuis le début des années soixante. Le patrimoine de l’Institut s’est réduit suite à de nombreuses années de déficit, le centre d’application créé en 1967 pour assurer la production et la vente des produits issus de la recherche de l’Institut Pasteur est en réorganisation, l’usine de Vaudreuil connait des débuts difficiles, les outils de gestion ne sont pas performants et les relations entre l’Institut Pasteur et l’État sont mauvaises. En 1971, pour défendre ce qu’il juge essentiel, Jacques Monod a accepté le poste de directeur général, et pour cela a renoncé à ses activités de laboratoire, retardé la rédaction de son second ouvrage « L’Homme et le temps » et démissionné du Collège de France. Malgré ses efforts et son engagement, son plan de « restructuration » tarde à produire les effets attendus et la situation continue de se détériorer. En 1974, il doit faire le constat que les mesures drastiques de gestion prises - fermeture de laboratoires, départs anticipés, etc. - ne suffiront pas, et il en vient à proposer à l’ensemble des collaborateurs de l’Institut, réunis en assemblée générale le 21 octobre 1974, la vente des terrains parisiens et une relocalisation de tous les personnels sur le site de Garches :
« … L’Institut Pasteur est en faillite, la vente des terrains parisiens permettra de financer la construction de locaux neufs en banlieue parisienne. Confiée à la caisse des dépôts et consignations, l’opération permettra de dégager un bénéfice substantiel qui servira à renforcer l’industrie, payer les dettes, assurer l’avenir. Bien entendu cela ne se fera pas sans sacrifices majeurs… »
Jacques Monod envisage même de faire transférer les restes de Louis Pasteur et ceux d’Émile Roux à Marne la Coquette, là où Pasteur est décédé.
Dans ces circonstances exceptionnelles, presque un siècle après l’installation de l’Institut rue Dutot, c’est Simone Veil récemment nommée ministre de la Santé et de la Famille, le 28 mai 1974, au sein du gouvernement de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, qui va être le « chevalier blanc » de l’Institut Pasteur. Alertée par Jacques Monod, elle demande, peu après sa prise de fonction, un rapport à un conseiller à la Cour des comptes, Roland Morin, qui était alors adjoint du délégué général à la recherche scientifique et technique. C’est sur la base de ce rapport, que l'État décidera de relever le montant de sa subvention, qui dans les années qui suivront représentera jusqu'à près de 50 % du budget annuel de l’Institut. Pour s'assurer de sa bonne gestion, elle fait créer la fonction de directeur administratif et financier, qui est confiée à un autre conseiller à la Cour des comptes, Jacques Bonnet, auquel succèdera quelques années plus tard Jean Castex.
Une condition nécessaire à cet important soutien de l'État fut que l'Institut Pasteur se détache de ses activités industrielles dans le domaine du diagnostic, des sérums et des vaccins, ce qui conduisit à la création d'Institut Pasteur Production dont l'Institut Pasteur, devenu Institut Pasteur Fondation fut initialement quasiment l’unique actionnaire.
Ainsi Simone Veil, an nom de l’État, a su sauvegarder l'Institut Pasteur en lui donnant les moyens de dépasser cette grave crise, tout en préservant son statut original et une certaine forme d’indépendance, conformément au choix fondateur de Louis Pasteur au moment de la création de l’Institut en 1887. Elle avait compris que cette position originale, au sein de l’environnement public de la recherche française, était déterminante pour sa réussite et finalement la plus féconde pour le rayonnement scientifique de tous.
Photo : Michel d'Ornano, ministre de l'Industrie et de la Recherche, Simone Veil, ministre de la Santé et de la Famille, décident d'apporter le soutien majeur de l'État à l'Institut Pasteur, ici avec François Gros et François Jacob.
© Institut Pasteur.
Dans les années qui suivirent des liens étroits unirent Simone Veil, Jacques Monod et François Jacob, et son soutien à l’Institut Pasteur n’a jamais fait défaut. Ils avaient les uns pour les autres une très grande admiration réciproque, en témoigne l’hommage de celle-ci suite au décès de Jacques Monod le 31 mai 1976. Elle fut également à l’origine de la constitution du comité Pasteur-Weizmann et par la suite régulièrement associée à ses activités. En 1994, elle préside à Phnom-Penh la cérémonie de pose de la première pierre de l'Institut Pasteur du Cambodge et en 1995 elle prononce un discours élogieux lors de la cérémonie d’ouverture de l'Année Pasteur célébrant le centenaire de sa disparition.
En 1976, grâce à la subvention de l’État, et pour la première fois depuis 14 ans, le budget de l’Institut Pasteur est équilibré, le plan de restructuration de Jacques Monod va pouvoir produire ses effets. L’implantation historique du campus parisien est préservée et dans les années qui suivront l’Institut va retrouver sa solidité et son rayonnement, avec une confiance en l’avenir renouvelée.
Merci Madame Simone Veil !