Disparition

Décès de Jean-Louis Guénet

La direction de l’Institut Pasteur a la grande tristesse de faire part du décès de Monsieur Jean-Louis Guénet, chef de service de classe exceptionnelle à l’Institut Pasteur, responsable de l’unité de Génétique des mammifères de 1981 à 2004.

Monsieur Jean-Louis Guénet est né le 9 octobre 1938 à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). Il a soutenu une thèse de Doctorat en sciences vétérinaires à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort en 1964 et a obtenu les certificats de biochimie, physiologie, génétique, radioprotection, chimie générale et statistiques à la Faculté des Sciences de Paris en 1967.

Il a travaillé pendant 6 ans, en tant qu’ingénieur au Commissariat à l’Énergie Atomique de Saclay, puis au Centre de protection sanitaire à Fontenay-aux-Roses, où il s’est intéressé à la radio-sensibilisation de l’animal (rat et porc) et à l’obtention d’animaux germ-free (rats et hamsters). En 1970, il a été recruté en tant que chargé de recherche à l’Institut Pasteur pour initier un programme de recherche sur la biologie du développement des mammifères, mis en place par François Jacob. Il a été promu chef de laboratoire (1974-1983), chef de service (1984-1999) et chef de service de classe exceptionnelle (2000-2005).

À la demande de François Jacob qui anticipait l'importance de la souris dans la recherche sur le développement embryonnaire, Jean-Louis Guénet a doté l'Institut Pasteur d'une animalerie centrale moderne, essentielle au développement des recherches en biologie et en pathologie infectieuse et qui plaçait l'Institut parmi les meilleurs centres de recherche européens. En 1981, Jean-Louis Guénet a créé, avec Charles Babinet, l’unité Génétique des mammifères qu’il a dirigée jusqu’en 2004. Avec son équipe, il a beaucoup contribué au développement de la génétique de la souris à l'Institut Pasteur et au plan international. Ses travaux ont porté sur la cartographie fine du génome de cette espèce et à la production et la caractérisation de nombreuses mutations d’intérêt pour des maladies humaines. Parmi celles-ci, son identification du gène impliqué dans le syndrome d’ostéogenèse imparfaite et dans la sensibilité à l’infection par le virus West Nile. Au total, il est l’auteur de plus de 200 publications scientifiques.

Jean-Louis Guénet a également assuré les fonctions de directeur du personnel scientifique de l’Institut Pasteur de 1994 à 2000. Il a été nommé Chevalier de l’Ordre national du Mérite en 1987 et a reçu, en 2003, le prix Otto Mülhbock, la plus haute distinction de l’International Council for Laboratory Animal Science. Il était membre de l'Académie Vétérinaire de France.

Jean-Louis Guénet a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2005.

Ses collègues et ses amis le décrivent comme un scientifique novateur et visionnaire représentant formidablement ce que les vétérinaires peuvent apporter aux sciences biomédicales. C’était aussi un homme cultivé, attentif à la carrière des jeunes chercheurs, toujours curieux de la science des autres et enthousiaste. C’était un fidèle Pasteurien et un scientifique dévoué à la communauté.

Monsieur Jean-Louis Guénet est décédé le 1er août 2024 à l’âge de 85 ans.

La direction de l’Institut Pasteur et le personnel pasteurien présentent à sa famille l’expression de leurs sincères condoléances.
 

Quelques mots, quelques pensées
 

« J’ai fait la connaissance de Jean-Louis quand il a été recruté par François Jacob. À l’Institut Pasteur, il a fait un travail fantastique. C’est lui qui a mis en route la création d’une animalerie moderne dont il a ensuite assuré la gestion de manière remarquable. Il a accompli des travaux de premier ordre en génétique animale. Puis, lorsque qu'il m'a rejoint au sein du conseil de direction, pour suivre la carrière du personnel scientifique, il fut un collaborateur compétent, efficace, et très apprécié de ses collègues.

Sa disparition m’a beaucoup attristé. Pour moi, il était un ami, qui s’est montré, à mon égard, d’une fidélité exceptionnelle, avant, pendant et après mon mandat de directeur. Un homme chaleureux, qui savait cependant faire preuve de fermeté quand c’était nécessaire dans ses diverses fonctions. Il fut un pastorien convaincu que tous ses collègues, je pense, vont regretter. »

Maxime Schwartz, chercheur invité de l’Institut Pasteur
et chargé de mission auprès de la direction de l’Institut Pasteur,
ancien directeur général de l’Institut Pasteur (1988-1999)
 

« Jean-Louis était un généticien de la souris passionné et visionnaire. Les idées qu'il a mises en œuvre à l'échelle modeste de son laboratoire ont été reprises ensuite par d'autres équipes beaucoup plus importantes. Il a catalysé des grands projets en particulier pour la construction des cartes génétiques de la souris.

C'était avant tout un homme généreux, désireux de partager ses connaissances avec des jeunes chercheurs, d'établir des ponts entre les maladies génétiques des souris et de l'homme, et de construire des réseaux interdisciplinaires.

Il était très attaché à l'Institut Pasteur, qu'il a toujours servi avec énergie et loyauté. Jean-Louis était un homme simple, très abordable, avec une soif inextinguible de contacts humains. C'était un mentor remarquable, donnant le meilleur de lui-même à ses étudiants, qui gardent de leur passage dans son laboratoire un souvenir inoubliable. »

Xavier Montagutelli, responsable du laboratoire Génétique de la souris
 

« Mandaté par François Jacob, au début des années 1970, Jean-Louis Guénet avait créé une animalerie centrale moderne sur le campus, principalement pour les souris, qu’il dirigait avec exigence et aussi avec bienveillance envers ceux qui respectaient les règles et avaient besoin de conseils. En plus de cette responsabilité comme vétérinaire, Jean- Louis dirigeait l’unité de Génétique des mammifères avec Charles Babinet. Il avait compris l’intérêt, pour la cartographie des gènes, d’utiliser les souris sauvages, tel M. spretus, plus génétiquement variées, ce qui a facilité l’identification des polymorphismes de longueur de fragments de restriction d’ADN dans les croisements avec M. musculus domesticus. Ainsi, par cette approche innovatrice, en collaboration avec lui, nous avons pu localiser les gènes de myosines et actines sur la carte génétique de la souris, avec les modes de distribution liés à leur expression pendant le développement (Robert et al. (1985) Nature ; Weydert et al. (1985) PNAS). J’ai beaucoup apprécié Jean-Louis, en tant que très bon généticien et en tant que personnalité intègre, fidèle à lui-même. »

Margaret Buckingham, Professeur honoraire de l’Institut Pasteur
et présidente du Comité d’éthique de l’Institut Pasteur,
directrice honoraire du département de Biologie du développement et cellules souches
 

« Jeune thésard, j’ai vraiment fait la connaissance de Jean-Louis quand il est devenu possible d’appliquer à la cartographie génétique de la souris des marqueurs moléculaires, cDNA ou fragments de gènes, comme l’usage s’en était répandu en génétique humaine. Jean-Louis venait de recevoir de François Bonhomme (Montpellier) les premières souris de l’espèce Mus spretus, qui s’étaient révélées interfertiles avec les souris de laboratoire, et constituaient une riche source de polymorphisme pour le génome murin. Il a donc accueilli le projet que je lui soumettais avec cette ferveur quasi-juvénile qu’il manifestait quand on lui ouvrait de nouvelles perspectives scientifiques dans son domaine, et a mis en œuvre aussitôt les croisements nécessaires. Le premier marqueur que nous analysâmes se trouvait sur le chromosome 1. Quelle émotion quand nous observâmes qu’il co-ségrégeait parfaitement avec un gène du programme myogénique dont nous avions isolé le cDNA !

Par la suite, j’ai interagi avec Jean-Louis dans le cadre de bien d’autres de ses fonctions : de responsable de l’animalerie, quand j’ai développé mes propres élevages ; de chef d’unité, quand le laboratoire que je dirigeais lui a été rattaché ; de directeur du personnel scientifique, quand il a accepté cette charge. Dans tous ces rôles, j’ai pu apprécier ses qualités, mélange de bonhommie et de rectitude. Mais dans aucun je n’ai retrouvé la profondeur et la richesse qu’offraient nos interactions scientifiques. Pour moi, Jean-Louis était un grand généticien, qui avait exploré un grand nombre de facettes de cette discipline. Il n’était que de le voir au milieu de ses pairs dans les congrès internationaux, voire dans son laboratoire quand il en accueillait un, pour mesurer combien il était apprécié. Ses activités de service à l’Institut Pasteuer, si bien assumées, auront un peu masqué sa dimension scientifique. »

Benoît Robert, chercheur invité de l’Institut Pasteur,
membre du comité d’intégrité scientifique et de conciliation,
président du comité d’éthique en expérimentation animale

 

Imprimer