07 mars 2025
Bulletin interne de l'Institut Pasteur
La journée internationale des femmes est l’occasion pour le musée de revenir sur l’histoire de l’Institut Pasteur et de mettre à l’honneur deux femmes puissantes et généreuses qui ont soutenu sa création : Cécile-Charlotte Furtado-Heine (1821-1896) et Marguerite Boucicaut (1816-1887).
Le buste de ces grandes dames respectivement réalisés par Guilbert Ernest (1848-1913) en 1890 et par Henri Chapu (1833-1891) vers 1888 ornent la salle des Actes aux côtés du Tsar Alexandre Ier et Pedro II, empereur du Brésil. Pendant les travaux sur le bâtiment historique, ils sont conservés dans des réserves externalisées au Nord de Paris. Ils ont bénéficié à l’automne 2024 d’un nettoyage afin de retrouver leur éclat. L’intervention a été réalisée par Anaïs Gailhbaud, restauratrice spécialisée en sculpture.
Les bustes de Mme Furtado-Heine et de Mme Boucicaut conditionnés sur une palette lors du chantier des collections
Buste de Mme Furtado-Heine avant restauration (à gauche) et après restauration (à droite)
Buste de Mme Boucicaut avant restauration (à gauche) et après restauration (à droite)
Chaque objet restauré est une opportunité de raconter son histoire et de raviver la mémoire des personnalités qui ont participé au développement de l’Institut Pasteur.
Issue d’une famille fortunée, Cécile-Charlotte Furtado-Heine fut une grande philanthrope, engagée dans de nombreuses œuvres de charité. Elle a contribué à la fondation de l'Institut Pasteur en faisant un don de 60 000 francs lors de la souscription internationale en 1886.
Durant la guerre de 1870, elle soutient la Croix-Rouge et organise des services d’ambulance. En 1884, elle finance un hospice pour enfants dans le 14e arrondissement de Paris, qui donne son nom à une rue. En reconnaissance de son engagement, elle est décorée de la Légion d'honneur le 13 juillet 1887 et promue officier le 6 juin 1896.
©BNF, Mme Furtado-Heine nommée officier de la Légion d’honneur, 21 juin 1896, Le Petit Journal, supplément illustré
©Archives nationales, Attestation de promotion au grade d’officier de la Légion d’Honneur remise à Mme Furtado-Heine le 8 juin 1896.
Aux côtés de son mari Aristide, Marguerite Boucicaut surnommée « Une grande femme de bien », participe à la création du premier grand magasin parisien, Au Bon Marché, avant de se consacrer à des œuvres sociales et humanitaires. Elle soutient l’Institut Pasteur en effectuant un premier don, en mai 1886, de 250 000 francs à Louis Pasteur de son vivant, puis en léguant 100 000 francs à son décès.
©Institut Pasteur, Portrait de Mme Boucicaut.
Une anecdote de Sacha Guitry, écrite dans le Journal de Jules Renard, raconte la rencontre entre Pasteur et Mme Boucicaut :
« Pasteur se présente chez madame veuve Boucicaut, la propriétaire du Bon Marché. On hésite à le recevoir. « C’est un vieux monsieur » dit la bonne. « Est-ce le Pasteur pour la rage des chiens ? » La bonne va demander. « Oui », dit Pasteur. Il entre. Il explique qu’il va fonder un Institut. Peu à peu, il s’anime, devient clair, éloquent. « Voilà, pourquoi je me suis imposé le devoir d’ennuyer les personnes charitables comme vous. La moindre obole… » « Mais comment donc ! » dit Mme Boucicaut avec la même gêne que Pasteur. Et des paroles insignifiantes. Elle prend un carnet, signe un chèque et l’offre, plié, à Pasteur. « Merci madame : » dit-il. « Trop aimable ». Il jette un coup d’œil sur le chèque et se met à sangloter. Elle sanglote avec lui. Le chèque était d’un million. »
L’anecdote est vraie, même si Sacha Guitry, avec son sens du théâtre, a largement majoré le montant du chèque, qui était tout de même de 250 000 francs.