08 novembre 2024
Bulletin interne de l'Institut Pasteur
Depuis 2012, la bourse ERC Synergy Grant, hautement compétitive, s’adresse à des équipes de 2 à 4 chercheurs européens afin de leur permettre de lancer un programme de recherche ambitieux aux frontières de la connaissance. D’une durée de six ans et d’un montant maximal de 10 millions d’euros, cette bourse est conçue pour permettre aux scientifiques récipiendaires d’adresser collectivement et transversalement des réponses à certaines question scientifiques trop complexes pour être traitées isolément.
Cette année, parmi les 57 projets sélectionnés (sur près de 548 déposés), deux lauréats sont des chercheurs de l’Institut Pasteur :
Brice Bathellier, responsable de l’unité Dynamique du système auditif et perception multisensorielle, a obtenu le financement du projet CHRONOLOGY - The geometry of temporal cognitive maps. Le projet sera mené en collaboration avec Srdjan Ostojic (ENS), Virginie Van Wassenhove (CEA) et Mehrdad Jazayeri (Massachusetts Institute of Technology).
Résumé du projet par les auteurs
« Pour comprendre notre environnement, le cerveau doit organiser temporellement les informations qui lui parviennent. Cette organisation temporelle est aussi nécessaire pour la réflexion et la planification des actions futures. Malgré le caractère essentiel de ce processus, étonnamment, nous comprenons mal les mécanismes neuronaux par lesquels le cerveau représente le temps et l'utilise dans ses opérations. Partant de l'observation chez plusieurs espèces animales qu'une activité neuronale complexe accompagne l'évaluation mentale du temps, notre projet vise à tester l'hypothèse selon laquelle les dynamiques collectives des circuits cérébraux impliqués dans la mémoire génèrent et organisent des représentations de la temporalité. Pour identifier les structures clés des représentations du temps dans le cerveau, nous enregistrerons l'activité neuronale à différentes échelles neuroanatomiques (du neurone à l'ensemble du cerveau) chez trois espèces (rongeurs, primates non-humains et humains) pendant la réalisation de tâches temporelles de complexité cognitive variable. Une analyse géométrique de l'activité neuronale déterminera l'existence de cartes cognitives temporelles fournissant aux individus une chronologie mentale des événements vécus. Nous testerons si la navigation dans les cartes cognitives temporelles est impliquée dans des tâches où les individus voyagent mentalement dans le temps. En exploitant des méthodes d'intelligence artificielle de pointe pour construire des modèles interprétables de réseaux de neurones récurrents, nous tenterons d’identifier les processus à l’origine de l'émergence des représentations cérébrales du temps. Pour valider ces modèles, des manipulations causales de l’activité des réseaux neuronaux impliqués seront mises en place, incluant des méthodes permettant des perturbations à résolution cellulaire. Ces méthodes permettront d’étudier notamment le rôle de la connectivité neuronale locale et à longue distance dans l'établissement de l’activité des circuits neuronaux à différentes échelles de temps. Cet effort multidisciplinaire permettra d’établir, à partir de données biologiques précises, un cadre théorique pour la représentation du temps dans le cerveau, sa dépendance au contexte et sa relation avec la mémoire. »
Ivo Gomperts Boneca, responsable de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne, a obtenu le financement pour le projet AI4AMR - Deep learning analysis of imaging and metabolomic data to accelerate antibiotic discovery against antimicrobial resistance. Le projet sera mené en collaboration avec Christophe Zimmer (Universitat Wuerzburg) et Mark Bronstrup (Helmholtz Zentrum fur Infektionforshung GM)
Résumé du projet par les auteurs
« La résistance aux antimicrobiens (AMR) est l'un des problèmes de santé mondiaux les plus urgents de notre époque. Pour contrer l’AMR, nous avons besoin de toute urgence de nouveaux antibiotiques, en particulier avec de nouveaux modes d'action (MoA). Cependant, alors que les pipelines typiques de criblage d'antibiotiques peuvent identifier des composés qui entravent la croissance bactérienne, ils sont incapables de prédire les cibles des médicaments et leurs modes d'action et doivent donc être suivis de longues étapes d'identification des celles-ci. En mettant en synergie notre expertise en microbiologie, génétique, microscopie avancée, métabolomique, chimie médicinale, biologie computationnelle et intelligence artificielle (IA), nous proposons de créer un nouveau pipeline à la pointe de la recherche sur les antibiotiques qui sera capable d'informer simultanément sur la bioactivité et la MoA de nouveaux candidats antibiotiques. En travaillant avec sept espèces bactériennes, le criblage à haut contenu basé sur l'imagerie et la métabolomique de bibliothèques de mutants génétiques et de bactéries exposées à une gamme de perturbateurs généreront un ensemble de données massives de phénotypes multidimensionnels riches à une échelle sans précédent. Les analyses d'apprentissage (deep learning) nous permettront ensuite d'explorer ces ensembles massifs de données pour corréler les phénotypes induits par les produits chimiques à ceux des mutants, en reliant les médicaments aux gènes pour élucider la cible/le mode d'action des nouveaux médicaments. Ce pipeline innovant nous permettra d'explorer des espaces chimiques uniques, y compris des extraits de produits naturels complexes (sans qu'il soit nécessaire d'isoler les composants individuels) et de nouveaux composés synthétiques. Des candidats prometteurs avec de nouveaux MoA seront testés contre des isolats cliniques résistants aux médicaments et contre un futur « pathogène X » pandémique. Ainsi, notre pipeline alimenté par l'IA permettra d’atteindre une plus grande productivité dans la découverte d'antibiotiques. AI4AMR fournira à la communauté un nouveau pipeline pour cribler efficacement de grandes bibliothèques de composés afin d'identifier de nouveaux antibiotiques et de définir leur MoA et leur cible, contribuant ainsi directement à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. »
Avec le CEA, Inrae, Inria et l’Inserm, le CNRS fait partie des cinq organismes de recherche à déployer un programme « Recherche à risque » de France 2030, impulsé par l’État depuis janvier 2024.
Le CNRS a ainsi lancé le programme « Recherche à risque et à impact » ou « (RI)² » avec l’objectif de détecter très en amont les recherches fondamentales ou innovantes qui pourraient générer des ruptures, conceptuelles ou technologiques, stratégiques pour la France dans la compétition internationale des prochaines décennies. Douze projets ont été sélectionnés au CNRS dans le cadre de ce programme.
Le programme « Recherche à risque », doté d’un budget de 150 millions d’euros, vient notamment compléter les programmes nationaux, par exemple, les Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), mais également ouvrir de nouvelles thématiques. « Recherche à risque » se focalise, quant à lui, sur une idée d’un ou d’une scientifique, ou d’un groupe de scientifiques, qui apporterait une réponse inédite à une question précise. Le CNRS destine ces moyens à des projets qui pourraient faire sauter des verrous et révolutionner un ou plusieurs domaines, mais dont le soutien financier est, en quelque sorte, un pari scientifique.
Parmi les 12 projets retenus par le programme « RI2 » figure le projet ProteoVir, co-porté par :
• Jean-Christophe Olivo-Marin, responsable de l’unité d'Analyse d'images biologiques à l’Institut Pasteur,
• Raphaël Gaudin, responsable de l’équipe Membrane Dynamics & Viruses à l'IRIM (CNRS UMR9004)
• Myriam Ferro, responsable de l'infrastructure ProFI (CEA/CNRS).
Ce projet vise à développer une méthode d’analyse des protéines cellulaires qui conserve les informations de leur micro-environnement, avec des applications potentielles en médecine, recherche en virologie, neurobiologie, et au-delà. L’équipe de Jean-Christophe Olivo-Marin co-pilote ainsi un projet à l’interface entre la protéomique spatiale, l’intelligence artificielle et les infections virales qui apportera une profondeur d’analyse inégalée et permettra, à terme, la mise en place de stratégies thérapeutiques personnalisées.
En savoir plus sur le projet ProteoVir
En savoir plus sur le programme « Recherche à risque et à impact »
Cette année, Villa M récompense, avec le soutien de Groupe Pasteur Mutualité, les travaux de huit nouveaux jeunes chercheurs en santé. Les lauréats 2024 bénéficient d’une bourse de recherche médicale de 10 000 €.
Tous ont été sélectionnés par le comité scientifique du Fonds de dotation Villa M pour la qualité et l’excellence de leurs travaux pluridisciplinaires en faveur de nouvelles techniques thérapeutiques applicables au bénéfice des patients.
Les bourses de recherche médicale Villa M bénéficient du soutien de Groupe Pasteur Mutualité et de ses mutuelles adhérentes : GPM Jeunes Pros de Santé, GPM Hospitaliers, GPM Médecins de Paris et GPM Sud. Destinées aux internes, chefs de clinique, jeunes praticiens et/ou chercheurs en santé de toutes spécialités, elles encouragent la recherche de haut niveau scientifique, le développement des échanges internationaux, l’innovation en santé et le progrès médical.
Cette année, parmi les huit nouveaux jeunes chercheurs en santé, figure donc une Pasteurienne :
Marie Robert, étudiante en doctorat de sciences à l’université Paris Cité et interne au sein du laboratoire d’Immunologie translationnelle sous la codirection du Dr Duffy et du Pr Sacré (Hôpital Bichat, AP-HP - Centre de Recherche sur l’inflammation), récompensée pour son projet de recherche « Analyse intégrative du rôle des Monocytes et des macrophages au cours de la SARcoïdose : de l’initiation de la réaction granulomateuse à son maintien (MoSAR) ».