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27 septembre 2025

BULLETIN INTERNE DE L'INSTITUT PASTEUR

Institut Pasteur
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Il y a 100 ans, Gaston Ramon mettait en évidence le principe des adjuvants immunologiques ou immuno-modulateurs

100 ans plus tard, le Bip vous propose de revenir sur les contributions scientifiques de Gaston Ramon (1886-1963). Vétérinaire de formation, Gaston Ramon a révolutionné la médecine préventive grâce à des découvertes fondamentales dont l'impact se fait encore sentir aujourd'hui.
 

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©Institut Pasteur / Musée Pasteur, Gaston Ramon dans son laboratoire de l'Institut Pasteur à Marnes-la-Coquette, travaillant sur la diphtérie vers 1935-1940

Gaston Ramon : Un vétérinaire au cœur de la révolution immunologique

Né le 30 septembre 1886 à Bellechaume dans l'Yonne, Gaston Ramon, fils d'un boulanger, se tourne très tôt vers les sciences. Après des études secondaires au lycée de Sens, il intègre l'École nationale vétérinaire d'Alfort en 1906, où il développe un intérêt particulier pour les travaux de laboratoire, notamment en chimie et en maladies contagieuses. C'est là qu'il apprend l'utilité du formol pour la conservation du lait, une leçon anodine qui s'avérera décisive pour ses futures recherches.

En 1911, Gaston Ramon rejoint l'Institut Pasteur, affecté par Émile Roux au service de production des sérums à l'annexe de Garches. Bien que son rôle initial fût purement technique – immuniser des chevaux et récolter des sérums antitétaniques, antidiphtériques et antigangréneux – cette période fut riche en observations, semant les graines de ses futures découvertes. La Première Guerre mondiale a intensifié son travail, avec une production massive de sérums, notamment antitétanique, qui a démontré son efficacité en réduisant considérablement la morbidité du tétanos chez les soldats alliés.
 

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©Institut Pasteur / Musée Pasteur, Récolte de sang des chevaux dans les écuries de Marnes-la-Coquette pour la production du sérum antidiphtérique et antitétanique.

C'est en 1920, après avoir obtenu un laboratoire à Garches, que Gaston Ramon, travaillant seul et sans relâche, commence ses expérimentations. En moins de quatre ans, il réalise quatre découvertes fondamentales :

•    La réaction de floculation (1922) : En ajoutant de l'antitoxine à une quantité constante de toxine diphtérique, Ramon observe la formation d'un précipité blanchâtre, la « floculation initiale ». Cette découverte a permis de mesurer la quantité d'antitoxine in vitro, rendant les tests beaucoup plus rapides, précis et économiques que les méthodes in vivo sur modèles animaux, qui étaient lentes et coûteuses. L'exacte corrélation des résultats avec la méthode d'Ehrlich en fit un outil universel.

•    Le principe des anatoxines (1923) : Fort de ses observations sur le formol, Ramon a l'idée d'ajouter cette substance à la toxine diphtérique et de la chauffer. Il obtient ainsi une toxine rendue totalement inoffensive (atoxique) mais ayant conservé intact son pouvoir immunisant. Il nomme cette nouvelle substance « anatoxine », un terme proposé par le Dr Roux. Les anatoxines représentent une avancée majeure par rapport aux vaccins vivants atténués de Louis Pasteur, offrant une stabilité, une innocuité et une invariabilité parfaites, tout en étant solubles et dosables. Ramon applique ce principe pour développer le vaccin antidiphtérique (1923) et le vaccin antitétanique (1924).
o    Le vaccin antidiphtérique a eu un impact colossal : en France, le nombre de morts par diphtérie est passé de 3 000 en 1924 à quasiment aucun à la fin des années 1960. La maladie, autrefois la « terreur des mères », est devenue quasi absente dans les pays où la vaccination est obligatoire.
o    Le vaccin antitétanique, introduit dans l'armée française en 1930, a également montré des résultats spectaculaires. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le taux de tétanos chez les soldats alliés vaccinés était bien inférieur à celui des soldats non vaccinés.

•    Le principe des substances adjuvantes et stimulantes de l'immunité (1925) : Ramon observe que la présence de réactions inflammatoires (abcès) au site d'injection de l'antigène chez les chevaux producteurs de sérum est corrélée à une production plus importante d'antitoxine. Il déduit que l'ajout d'une substance inerte et irritante, comme le tapioca, peut améliorer la réponse immunitaire. Les adjuvants augmentent la production d'antitoxines (par exemple, doublant celle de l'antitoxine diphtérique et la multipliant par cinq pour l'antitoxine tétanique) en prolongeant la présence de l'antigène et en stimulant la réaction immunitaire locale. Aujourd'hui, la quasi-totalité des vaccins utilisent des adjuvants, souvent à base de sels d'aluminium, une idée initialement proposée par Ramon.

•    Les vaccinations associées (1926) : Contre la théorie de la « concurrence des antigènes », Ramon démontre que l'association de plusieurs vaccins non seulement n'épuise pas le système immunitaire, mais peut le stimuler davantage, augmentant la réponse antigénique. Cette méthode, à la base du vaccin diphtérie-tétanos, puis des vaccins triples ou hexavalents modernes, présente des avantages techniques, financiers et immunologiques considérables, permettant plusieurs immunisations en une seule injection.

Après ces découvertes majeures des années 1920, Gaston Ramon poursuit sa carrière au sein de l'Institut Pasteur comme directeur de l'Annexe de Garches en 1926 et sous-directeur de l'Institut Pasteur en 1934, succédant à Albert Calmette. Entre 1937 et 1940, il coordonne l'ensemble des services de production de sérums et d'anatoxines, un rôle stratégique pendant la mobilisation, l'Institut fournissant sept millions de doses pour les armées.

En mai 1940, ses compétences scientifiques et administratives sont reconnues par sa nomination comme directeur de l'Institut Pasteur. Cette période de direction, qui dure jusqu'en décembre 1940, est marquée par des propositions de réformes financières et administratives que le Conseil d'administration ne valide pas, conduisant à sa démission. Il poursuit néanmoins son engagement à l'Institut comme directeur honoraire et chef du groupement de services Immunologie. 

En 1944, dans le contexte de la Libération, le conseil d'administration de l'Institut Pasteur réexamine les activités de certains responsables pendant l'Occupation. Ramon cède alors la direction de Garches. Il conserve néanmoins ses activités de recherche au sein de l'Institut. En 1947, il s'éloigne définitivement de l'Institut Pasteur poursuivant son engagement pour la santé. 

Un pionnier du "One Health"[1]

En 1949, il est élu à l'unanimité directeur de l'Office International des Épizooties (O.I.E.), où il œuvre à la lutte contre les maladies animales à l'échelle européenne (fièvre aphteuse, tuberculose bovine, rage, myxomatose). Ses actions, telles que la mise en place de systèmes de surveillance et la promotion de la coopération internationale, anticipent le concept moderne de « One Health », qui reconnaît l'interdépendance entre la santé humaine, animale et environnementale. Ramon, vétérinaire, incarnait déjà cette approche multidisciplinaire, insistant sur le rôle crucial des vétérinaires dans la santé publique.

Le fonds Gaston Ramon aux Archives de l’Institut Pasteur

Le fonds Gaston Ramon conservé aux Archives de l'Institut Pasteur provient des dossiers de travail que le scientifique avait emportés à son domicile lors de son départ de l'Institut Pasteur. Après son décès en 1963, ces archives ont été préservées par sa famille dans l'Yonne. En 1975, son fils Jean Ramon en a fait don à l'Institut Pasteur dans le but de contribuer à la création du Musée des applications de la recherche pasteurienne à Marnes-la-Coquette (Annexe de Garches), où Gaston Ramon avait œuvré pendant de nombreuses années. Initialement déposées au Musée Pasteur, ces archives ont été transférées au service des archives en 1994. (Lien vers la notice de fonds)  Aujourd’hui, le service des archives est en contact avec Jean-François Ramon, petit-fils du chercheur, qui souhaite compléter ce patrimoine par un nouveau don d'archives.

Retrouvez les ouvrages sur Gaston Ramon dans la bibliothèque du CeRis

[1] Mikaël Barrio, Gaston Ramon (1886-1963), vétérinaire et immunologiste d’hier et de demain : les secrets de la transmission d’un savoir, Thèse soutenue en mai 2021
 

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